Kenneth White : lettre à un vieux calligraphe

Lettre à un vieux calligraphe

Cent jours passés
Par les grèves et les montagnes

A l’affût
du héron et du cormoran

Puis écrire ceci
A la lisière du monde

Dans un silence devenu
Une seconde nature

Et connaître à la fin
Dedans le crâne, dedans les os

Le sentier du vide.

Kenneth White, « Un monde ouvert, Anthologie personnelle »  (Gallimard, Collection Poésie 2007)

Kenneth White : Wakan

Wakan

« J’ai senti quelque chose dans ma tête »

Que c’est beau, que c’est beau

Il n’y a rien de plus beau

La lumière bleue qui point sur la montagne

La lune qui descend dans la pluie

Rien, il n’y a rien de plus beau.

Kenneth White, « Un monde ouvert, Anthologie personnelle » (Gallimard, Collection Poésie 2007)

Alexandra David-Neel

Choisissez une étoile… 

Choisissez une étoile,
Ne la quittez pas des yeux
Elle vous fera avancer loin
Sans fatigue et sans peine

Kenneth White : prose pour le col de Marie-Blanque

Prose pour le col de Marie-Blanque

C’est l’hiver dans la montagne profonde. La neige tombe à gros flocons. Ici, au col de Marie-Blanque, on marche, lentement.

« Ce n’est ni une étude, ni un savoir livresque, cela filtre à travers l’esprit » 

Le col de Marie-Blanque n’a rien de grandiose. C’est un petit col de rien du tout. On n’y fait pas des prouesses.  On y cherche autre chose.

« L’homme réel possède le diamant de la connaissance » 

Le sentier grimpe à travers les bois : sapins, chênes, bouleaux. Il y a si peu à dire. Nous ne parlons pas.  Nous mettons un pied devant l’autre et laissons faire la neige.

« Les loups seuls demeurent dans le bois obscur et silencieux » 

Nous sommes les loups blancs de ces espaces ultimes. Nous aimons cette distance, ce froid illuminé. Notre vie est secrète. Elle n’est plus à nous.

« Si le grand givre n’a pas mordu les branches, comment les fleurs du prunier peuvent-elles être odorantes ? »

Lorsqu’on me demandera à quelle religion j’appartiens,  je dirai : à celle du col de Marie-Blanque.

Kenneth White, « Un monde ouvert, Anthologie personnelle »  (Gallimard, Collection Poésie 2007)

Haïkus

C’est décidé
je vais de ce pas m’enrhumer
pour voir la neige.
Sampû
Pourquoi ne pas mourir
en mordant dans une pomme
face aux pivoines.
Shiki
Rosée,
le monde, rien qu’une goutte de rosée
et pourtant
Issa
Ne possédant rien
Comme mon cœur est léger
Comme l’air est frais.
Basho