Prose pour le col de Marie-Blanque

C’est l’hiver dans la montagne profonde. La neige tombe à gros flocons. Ici, au col de Marie-Blanque, on marche, lentement.

« Ce n’est ni une étude, ni un savoir livresque, cela filtre à travers l’esprit » 

Le col de Marie-Blanque n’a rien de grandiose. C’est un petit col de rien du tout. On n’y fait pas des prouesses.  On y cherche autre chose.

« L’homme réel possède le diamant de la connaissance » 

Le sentier grimpe à travers les bois : sapins, chênes, bouleaux. Il y a si peu à dire. Nous ne parlons pas.  Nous mettons un pied devant l’autre et laissons faire la neige.

« Les loups seuls demeurent dans le bois obscur et silencieux » 

Nous sommes les loups blancs de ces espaces ultimes. Nous aimons cette distance, ce froid illuminé. Notre vie est secrète. Elle n’est plus à nous.

« Si le grand givre n’a pas mordu les branches, comment les fleurs du prunier peuvent-elles être odorantes ? »

Lorsqu’on me demandera à quelle religion j’appartiens,  je dirai : à celle du col de Marie-Blanque.

Kenneth White, « Un monde ouvert, Anthologie personnelle »  (Gallimard, Collection Poésie 2007)