C’est l’hiver dans la montagne profonde. La neige tombe à gros flocons. Ici, au col de Marie-Blanque, on marche, lentement.
« Cen’est ni une étude, ni un savoir livresque, cela filtre à travers l’esprit »
Le col de Marie-Blanque n’a rien de grandiose. C’est un petit col de rien du tout. On n’y fait pas des prouesses. On y cherche autre chose.
« L’homme réel possède le diamant de la connaissance »
Le sentier grimpe à travers les bois : sapins, chênes, bouleaux. Il y a si peu à dire. Nous ne parlons pas. Nous mettons un pied devant l’autre et laissons faire la neige.
« Les loups seuls demeurent dans le bois obscur et silencieux »
Nous sommes les loups blancs de ces espaces ultimes. Nous aimons cette distance, ce froid illuminé. Notre vie est secrète. Elle n’est plus à nous.
« Si le grand givre n’a pas mordu les branches, comment les fleurs du prunier peuvent-elles être odorantes ? »
Lorsqu’on me demandera à quelle religion j’appartiens, je dirai : à celle du col de Marie-Blanque.
Kenneth White, “Un monde ouvert, Anthologie personnelle”(Gallimard, Collection Poésie 2007)
J’avance Pour un surcroît de vie D’énergie d’enthousiasme d’exploration J’avance Pour que les autres y voient plus clair Plus intensément Je fais passer le message secret du souffle Selon KerouacJ’avance Encore et encore Dans un désordre majestueux
J’avance jusqu’au cœur des cellules En plein ciel intérieur Avant les premiers mondes J’avance Un grand éclat de vide au cœur des densités J’avance Et n’en sors pas indemne Je talismanise Je sais maintenant qui je suis Personne ne vit sa vie A ma place Je sais enfin qui je suis Une apparition Une apparition sonore Dont le métronome Est Le bruit de fond de l’univers
Chaque matin, du nouveau : Une joie, une déprime, une rancoeur, ou une prise de conscience momentanée surviennent tel un visiteur inattendu…
Accueille et reçois les tous, même si c’est une troupe de chagrins qui vident violemment ta maison de tout son ameublement.
Traite honorablement, pourtant, chacun de tes hôtes : il se pourrait qu’ils fassent place à quelque nouvelle joie. La sombre pensée, la honte, la malveillance, ouvre leur ta porte en riant, et invite-les à entrer. Sois reconnaissant à tous ceux qui viennent, car chacun t’a été envoyé comme un guide de l’au-delà.
La beauté devant moi fasse que je marche La beauté derrière moi fasse que je marche La beauté au-dessus de moi fasse que je marche La beauté au-dessous de moi fasse que je marche La beauté tout autour de moi fasse que je marche
C’est beau en vérité, c’est beau. Je suis l’esprit à l’intérieur de la terre, Les pieds de la terre sont mes pieds, Les jambes de la terre sont mes jambes, La force de la terre est ma force. C’est beau en vérité, c’est beau. Les pensées de la terre sont mes pensées, La voix de la terre est ma voix, La plume de la terre est ma plume, Tout ce qui appartient à la terre m’appartient, Tout ce qui entoure la terre m’entoure, Et moi je suis la parole sacrée de la terre. C’est beau en vérité, c’est beau…
Le seul fait de rêver est déjà important Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier Je vous souhaite des passions Je vous souhaite des silences Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite d’être vous.
In « Mon terroir c’est les galaxies » (1978), disponible en CD chez EPM musique
Croyez en l’extase des nuages qui traversent les grands horizons, au petit vent du soir, au cœur de l’été chaud. Croyez en la douceur d’une amitié, d’un amour, à la main qui serre votre main. Car demain, mais n’y pensez pas, demain éclateront peut-être les nuages et l’orage emportera, vos amours. Tenez-vous serrés, ne vous endormez pas sur un reproche non formulé, endormez-vous réconciliés. vivez le peu que vous vivez dans la clarté.
Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui n’attendent que le moment de nous voir un jour beaux et courageux. Peut-être que toutes les choses qui font peur sont au fond des choses laissées sans secours qui attendent de nous le secours. Pensez qu’il se produit quelque chose en vous, que la vie ne vous a pas oublié, qu’elle vous tient dans sa main ; elle ne vous abandonnera pas.Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie toute inquiétude, toute souffrance, toute mélancolie alors que vous ignorez leur travail en vous.
Aussi, ne devriez-vous pas vous effrayer quand se lève devant vous une grande tristesse, comme vous n’en n’avez jamais vu de tel.
Pourquoi vouloir vous torturer en vous demandant d’où tout cela peut bien venir et à quoi tout cela aboutira ?
Vous savez bien que vous êtes dans des états transitoires et que vous ne désirez rien tant que de vous transformer. Si certains de vos états sont maladifs, considérez que la maladie est le moyen qu’a l’organisme pour se libérer de ce qui lui est étranger ; il faut alors simplement l’aider à être malade, à avoir la maladie dans sa totalité, à la laisser se déclarer, car c’est par là qu’il progresse…
Vous êtes le médecin qui doit veiller sur lui même… Et voilà ce qu’il faut faire avant tout pour autant que vous soyez votre médecin.
Nous te demanderons maintenant de nous parler de la mort…
Vous voudriez connaître le secret de la mort Mais comment le découvrirez vous si vous ne le cherchez dans le cœur de la vie ? Le hibou dont les yeux de nuit sont aveugles au jour Ne peut dévoiler le mystère de la lumière. Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez largement votre cœur au corps de la vie. Car la vie et la mort ne sont qu’une seule et même chose, Comme le fleuve et la mer ne sont qu’une seule et même chose. Dans les profondeurs de vos espérances et de vos désirs, s’abrite votre silencieuse connaissance de l’au-delà ; Et comme des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps. Faites confiance aux rêves, car en eux se cache le portail de l’éternité.
Votre peur de la mort ressemble au tremblement du berger quand il se tient devant le roi et que le roi étend sa main pour la poser sur lui en signe d’honneur. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement de ce qu’il portera l’insigne d’honneur. Et cependant, n’est-il pas plus conscient de sa peur que de sa joie ?
Qu’est-ce qu’en effet mourir sinon se tenir nu dans le vent et se dissoudre dans le soleil ? Et qu’est-ce que cesser de respirer sinon libérer l’haleine de son flux turbulent afin qu’elle s’élève et s’étende et cherche Dieu librement ?
C’est seulement quand vous boirez du fleuve du silence que vous chanterez vraiment. C’est quand vous aurez atteint le sommet de la montagne que vous commencerez à monter. Et c’est seulement quand la terre réclamera vos membres que vous saurez danser.
Lettres de prison, trad. M.Aubreuil, BergInternational éditeur, 1989
Je suis restée sous le charme d’un immense nuage d’une belle teinte rose, tellement irréelle que l’on aurait dit un sourire, un salut venant d’horizons inconnus. J’ai éprouvé comme une libération et, sans le vouloir, J’ai tendu mes deux mains vers cette apparition magique. N’est ce pas que la vie est belle et vaut la peine d’être vécue, quand elle nous offre de telles couleurs et de telles formes… Au milieu de ténèbres, je souris à la vie, comme si je connaissais la formule magique Qui change le mal et la tristesse en clarté de bonheur. Alors je cherche une raison à cette joie, je n’en trouve pas et ne puis m’empêcher de sourire de moi-même. Je crois que la vie elle-même est l’unique secret.
Vraie lumière née de vraie nuit, édition du Cerf, 2009
S’abaisser jusqu’à l’humus où se loge La promesse du souffle originel. Unique lieu De transmutation où frayeurs et douleurs Se découvrent paix et silence. Se joignent alors Pourri et nourri, ne font qu’un terme et germe. Lieu du choix : la voie de mort mène au néant, Le désir de vie mène à la vie. Oui, le miracle a lieu, Pour que tout ait une fin et que pourtant _____________toute fin puisse être naissance.
S’abaisser jusqu’à l’humus, consentir A être humus même. Unir la souffrance portée Par soi à la souffrance du monde ; unir Les voix tues au chant d’oiseau, les os givrés ____________Au vacarme des perce-neige !
San Do Kaï – « l’essence et les phénomènes s’interpénètrent »
Dans l’obscurité existe la lumière, ne regardez pas avec une vision obscure. Dans la lumière existe l’obscur, ne regardez pas avec une vision lumineuse. Lumière et obscurité créent une opposition, mais dépendent l’une de l’autre comme le pas de la jambe droite dépend du pas de la jambe gauche.