Dominique Georget-Tessier, Novembre 2010

L’homéopathie est une thérapeutique élaborée par Hahnemann, médecin et chimiste d’origine allemande entre 1790 (date à laquelle il traduit la matière médicale de Cullen et vérifie sur lui les effets du quinquina) et 1843 (date de sa mort à Paris). Cette méthode est  contemporaine de la naissance de la médecine scientifique (découverte du stéthoscope par Laennec, de la méthode expérimentale par Claude Bernard) mais également d’une grande pauvreté sur le plan thérapeutique : c’est encore l’époque des saignées, des sangsues et des purges.

C’est donc avant tout un système  thérapeutique visant à guérir les malades en stimulant ses capacités de défense et d’auto -guérison. Ce système est le fruit d’une expérience clinique, largement décrite dans l’Organon. [1]

Nous l’utilisons après un diagnostic de biomédecine et après avoir éliminé un traitement plus approprié : dans ma pratique de médecin spécialiste en médecine générale (médecin référent) elle est adaptée à plus de 70% de mes consultations.

Le symptôme en homéopathie

C’est ce qui fait l’originalité de l’homéopathie : le symptôme est d’abord une tentative de guérison du malade, une expression de sa maladie qu’il ne peut plus résoudre seul

L’homéopathie s’intéresse   à  la maladie » telle qu’elle est vécue par le patient et telle qu’elle se manifeste concrètement, en clinique, chez un sujet donné avec une prise en compte des relations à l’environnement (climat, relations affectives, horaire,  influences des positions et mouvements du corps, des actions du sujet : toux améliorée en buvant par exemple), Par exemple,  un malade très affaibli, se sentant presque à l’agonie pour un mal de gorge hivernal, alors qu’il est par ailleurs en parfaite santé évoquera Causticum ou Carbo vegetabilis. De même  un patient calme d’habitude rendu exaspéré  par une banale rhinopharyngite  nous fera penser à Nux vomica.

Ici, il n’y a plus de symptômes ou de maladies purement physiques ou purement psychiques. Les deux dimensions (physique et psychique) sont continuellement tissées ensemble ». C’est, selon la parfaite définition de Philippe Marchat [2] une » approche phénoménologique « de l’homme malade qui s’intéresse au corps « subjectif «  tel que le ressent un malade à un moment donné. 

L’homéopathie a pour objet la maladie vécue. Elle s’attache préférentiellement à la façon dont le malade ressent son affection : elle ne nie pas l’importance (selon les cas, parfois mais pas toujours) des signes objectivés par l’approche « classique » mais les replace dans le contexte propre de la personne, son chemin de vie, son environnement climatique, social et psycho-affectif.

On demandera au patient de préciser :

  • La localisation : lieu des troubles,  irradiations des douleurs. Douleur de tête unilatéral ou bilatéral ; frontal, occipital, limité à un point ou linéaire
  • Les sensations : la nature de la douleur ; est –t-elle piquante, intolérable, battante,,  apparaissant et disparaissant brusquement ; les sensations « comme si »  sont très importantes en homéopathie. « Décrivez ce que vous ressentez »
  • Les signes concomitants : transpiration,  sommeil, mental, signes « bizarres » associés au symptôme. Les symptômes les plus frappants, les plus originaux, les plus personnels sont ceux qui ont la plus grand valeur dans le choix du remède : ils sont comme des poteaux indicateurs marquant la voie pour une étude approfondie [3] : « avez-vous remarqué d’autres changements dans votre organisme depuis que vous souffrez de… : une grande anxiété avec agitation chez un enfant habituellement tranquille évoquera Arsenicum Album.
  • Les causalités : il s’agit ici des faits,  des évènements ou des circonstances après lesquelles le symptôme s’est développé. (après une contrariété, un traumatisme, une exposition au froid,  à la neige ou à la chaleur, après les règles un excès alimentaire)
  • Les modalités ; qu’est ce qui améliore ou aggrave le symptôme (le repos, le café, la solitude ou la consolation par des amis, la musique).

On voit ici qu’on ne traite pas une maladie par exemple une angine blanche : on traite un patient faisant une angine. Il nous faut individualiser le malade : l’interrogatoire homéopathique est un travail précis  de détective et son aboutissement,  le choix du remède, une œuvre d’art nécessitant finesse et doigté dans l’interrogatoire et une grande mémoire de la matière médicale [4] :

On voit ici que l’être humain est considéré avant tout comme un être de relation avec le monde et ses semblables, la maladie exprimant ou /et entraînant une modification, une altération de cette relation. Il est également en relation avec sa propre intériorité et la maladie (qu’elle se nomme mal de gorge bénin, rhumatisme chronique ou cancer) va le confronter  à une empêchement à vivre sa vie de bien portant ou même une impasse dans laquelle il devra retrouver une manière d’être avec son corps malade.

Le remède homéopathique est celui qui peut déclencher chez des sujets sains des désordres spécifiques soigneusement notés par l’observateur. L’ensemble de ces tableaux dits tableaux « pathogénétiques » constitue la matière médicale homéopathique, avec laquelle le médecin homéopathe va faire ses gammes.  En effet, le remède homéopathique, tel qu’il est décrit dans sa pathogénésie, constitue l’image miroir de la maladie. Il témoigne du lien existant entre le signifié du patient malade, le monde « sémantique «,l’ensemble des signes émis par le patient malade et le monde  du médicament. [5]

Lorsque  la contre-image [6] composée avec le groupe de symptômes pathogénétiques du remède qui parait mériter la préférence renferme des symptômes semblables à ceux caractéristiques,  frappants,  originaux,  inusités et personnels de la maladie du malade, alors ce remède sera le remède homéopathique, spécifique de ce malade : c’est la loi de similitude.

Le remède va alors agir en donnant une information, un signal, régulant les phénomènes biologiques du patient malade. «  Il s’ensuit que le remède, qui a anéantit la totalité des signes perceptibles de la maladie, doit aussi avoir rétabli le dérangement dans l’intérieur de l’organisme ». [7] Pour Hahnemann, en effet la maladie est due à un déséquilibre énergétique rétabli après administration du simillimum.

[1] Hahnemann, Organon de l’art de guérir, sixième édition, 1842,
[2] Philippe Marchat, la médecine du corps vécu, éditions   E P M,   2006, Phimarchatàaol.com  et site « homéophilo « 
[3] Hahneman, Organon, chapitre 153
[4] Le docteur SEROR, grand homéopathe d’OLORON SAINTE MARIE, qui a eu la patience de  me guider dans cet art difficile me disait « il faut lire et relire quotidiennement la matière médicale et l’Organon, ce sont vos gammes.. »
[5] Bernard Long, Homéopathie et synchronicité, ed Similia, 2004.
[6] Hahnemann, Organon, chapitre 154
[7] Hahnemann, Organon, chapitre10