Dominique Georget-Tessier, Novembre 2013

Le mot méditation évoque l’Orient bouddhiste et hindouiste.

Cependant, l’occident, au cœur des courants mystiques des grandes religions, connaît aussi ces pratiques. Au dix-huitième siècle Maître Eckart écrivait : « ce n’est que dans le silence et le repos intérieur que le Verbe et l Esprit se font entendre dans le fond de l’âme, en son fond le plus intime et le plus pur ». « Meditari » vient d’ailleurs du latin meditari de mederi « donner des soins à ».

La pratique méditation « pleine conscience » telle qu’elle se pratique actuellement n’est pas une démarche religieuse ou spirituelle. C‘est une technique associant une relaxation musculaire et physiologique, un état d’esprit différent caractérisé par l’observation des expériences mentales sans jugement, le développement d’une compétence d’auto focalisation sur un objet (le souffle, un son).

Elle peut être utilisée dans un but thérapeutique, de développement personnel ou de développement spirituel.

I – DIFFERENTES PRATIQUES

  • EN ORIENT : on distingue 4 grandes familles dans lesquelles se distribuent des centaines d’approches.

1/ La méditation-concentration : il s’agit d’une focalisation,d’un rétrécissement du champs de l’attention : on se concentre sur le souffle, un mantra (méditation transcendantale, mise à la mode par les Beatles dans les années 1970..), un texte sacré, la flamme d’une bougie, un son, et on écarte de sa conscience tout ce qui ne concerne pas l’objet choisi pour méditer. Ces états modifiés de conscience sont bien connus et ont été étudiés en laboratoire. La méthode la plus courante dans le bouddhisme utilise comme support le va et vient du souffle.

2/ La méditation vipassana : c’est la famille de la vision pénétrante. Il s’agit d’ouvrir son attention, d’ être présent à tout, à son souffle, ses sensations corporelles, au bruit, au ressenti, à toutes ses pensées. C’est la pleine conscience : au lieu de se focaliser, faire l’effort permanent d’ouvrir l’esprit à tout ce qui est là à chaque instant, abandonner le phénomène et retourner à la sensation corporelle. Cette succession des prises de conscience réorganise les mémoires et les processus cognitifs.

3/ méditations en mouvement(Taï chi Chuan, Qi Gong). Dans la tradition chinoise, il s’agit de « nourrir la vie » et le livre classique de la médecine traditionnelle chinoise, le Su Wen, écrit : « les hommes de l’antiquité gardent étroitement unis leur corps et leur esprit, et c’est dans l’extrême tranquillité que se manifeste en eux, dans la plénitude, le potentiel vital. Il s’agit, pour atteindre la longévité de cultiver en soi l’harmonie et la sérénité».

Le TAï chi chuan est une pratique de santé et de longévité qui invite au calme et détend le corps. La concentration se fait sur le corps en mouvement, et soit sur la signification martiale, soit sur la précision du mouvement (rentrer la hanche, tendre la nuque, mouvements longs et ininterrompus)

Les exercices de QI Gong associent des enchaînements, des postures statiques, des exercices de respiration et de mobilisation des souffles, ainsi que la concentration de l’esprit. Le but général est de faire circuler l’énergie dans le corps et de la renforcer, en s’inspirant des connaissances développées par la médecine traditionnelle chinoise. Le Qi Gong permet d’optimiser toutes les fonctions de l’organisme.

  • EN OCCIDENT

On constate depuis 1989 un intérêt croissant des scientifiques pour les sciences contemplatives regroupant différentes disciplines (psychologie comportementale, psychiatrie, psychologie clinique, pédagogie) qui montrent comment on peut contrôler l’attention et les émotions pour apprendre mieux gérer le stress, être moins angoissé ou mieux vivre telle ou telle affection chronique.

En avril 2012, le premier symposium international sur la recherche en sciences contemplatives a rassemblé pendant 3 jours à Denver (Etats Unis) plus de 700 chercheurs du monde entier.

  • Ces techniques arrivent actuellement en France et sont utilisées dans les hôpitaux sans référence à des données religieuses. La méditation recouvre un ensemble de pratiques développant la régulation des émotions et le contrôle de l’attention par un entraînement mental visant à la transformation du soi, de l’expérience consciente au développement d’un bien-être durable. On distingue :

1/ La MBSR mindfullness – based stress reduction ou « réduction du stress basé sur la pleine conscience ». Cette technique a été mise au point par John Kabat Zinn, en 1979 au centre hospitalier du Massachusetts, aux Etats Unis. Ses effets sont alors reconnus dans le traitement des douleurs physiques et psychiques.

2/ La MBCT Mindfullness – based cognitive therapy ou « thérapie cognitive fondée sur la pleine conscience ». Elaboré par le psychologue canadien Zindel Segal , c’est un programme de thérapie de groupe en 8 séances de 2 heures, scientifiquement reconnu pour la prévention des rechutes dépressives chez des personnes ayant connu au moins 3 épisodes dépressifs. Son champ d’application s’élargit aux addictions et troubles du comportement alimentaire.

Il est recommandé de pratiquer la pleine conscience comme attitude mentale régulière afin de profiter de parenthèses au milieu des multiples engagements dans l’action ou sollicitations existant au quotidien : temps de transport, émotions désagréables (il s’agit d’accepter les émotions en se centrant sur ses sensations plutôt que chercher à les oublier à tout prix).

3/ La Méditation sur la bienveillance et la compassion : elle améliore la qualité de vie et le bonheur de vivre*.

II – BASES NEUROBIOLOGIQUES NEUROSCIENCES

  • Avant 1980 , les études d’électro encéphalogrammes de méditant montraient le ralentissement du rythme cardiaque et respiratoire, une augmentation du rythme alpha s’étendant aux régions centrales et frontales du cerveau (études de l institut Mind and Life fondée en 1987 par Francisco Varela).
  • A partir de 1980, un certain nombre de laboratoires de psychologie se sont intéressés à la façon dont le cerveau produisait de la pensée. Ceci s’est appuyé sur les nouveaux moyens techniques d’imagerie.

La neuroplasticité (survenue de modifications fonctionnelles des voies neurales) permet de réaménager les réseaux neuronaux. Le cerveau évolue continuellement lorsque l’individu est soumis à des situations nouvelles. Il a la capacité de produire de nouveaux neurones, de renforcer ou diminuer celle des neurones existant. Il s’agit de ce que Mathieu Ricard appelle « l’entraînement de l’esprit » ce qui sous entend que le cerveau est un organe semblable aux muscles, en ce qu’il exige qu’on le fasse régulièrement travailler.

Au total, l’entraînement à la méditation entraîne des modifications neurophysiologiques, elle diminue la perception de la douleur, stimule le système immunitaire, réduit l’inflammation.

III – APPORT DANS LES MALADIES CHRONIQUES ET LE CANCER EN PARTICULIER

Une étude menée par une compagnie d’assurance en 1986 sur deux mille sujets méditant a montré qu’ils étaient moins malades, avec 50% de tumeur en moins.

On peut considérer la maladie comme un corps mal accordé, une corde de violon mal accordée, l’unité corps-esprit ne parvenant pas à accorder son instrument. Dans ce cas, la méditation permettrait cet accord. John Kabat-Zinn utilise également cette métaphore de l’instrument de musique : «peut-être faut-il accorder notre vision comme nous accordons un instrument, pour augmenter sa sensibilité, sa clarté, sa portée ? Il s’agit alors de voir les choses telles qu’elles sont réellement, et non telles que nous voudrions qu’elles soient, ou ce que nous sommes conditionnés socialement à voir ou ressentir ».

La méditation permet un recul, elle permet de se situer dans une zone neutre du cerveau et de changer le regard que nous avons sur la maladie, un décalage, un pas de côté par rapport à la réalité. C’est ce qu’on appelle la « capacité métacognitive » grâce à laquelle le sujet peut observer ses propres processus mentaux, développer une attention et un discernement face à ses cognitions et ainsi s’autoréguler.

Les pathologies chroniques ont tendance à enfermer les patients dans une certaine façon de voir le monde et leur rapport à eux-mêmes. La pratique de la pleine conscience aide le patient à se déconditionner et à percevoir la réalité du monde sous des angles et des couleurs différentes.

Dans le domaine de l’épreuve du cancer, la pleine conscience permet de mettre un pas à côté de la dictature toute puissante du mental entraînant vers des chemins déjà balisés de pensées ou de comportements – qui ne sont plus adaptés au changement que le patient est en train de vivre dans son corps – et va lui permettre de se positionner en tant qu’explorateur et découvreur d’espaces de vie originaux.

_______________________________________________________________________________________________

BIBLIOGRAPHIE :

ANTOINE LUTZ, conférence à la Cité des sciences, 13 juin 2013.

ANDRE CHRISTOPHE, Méditation de pleine conscience, cerveau – psycho n°41 septembre/octobre 2013.

* RICARD MATHIEU, Plaidoyer pour l’altruisme, Nil Edition, 2013.

COTTRAUX Jean, TCC et neurosciences, Masson, 2009.

BERGHMANS Claude, Soigner par la méditation, Elsevier Masson, 2011.

BERGHMANS C., TORRES, Santé et spiritualité, un pont thérapeutique, Interéditions, 2012.

SEGAL Z. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression, De Boeck, 2006.

John KABAT ZINN, Méditation pleine conscience, 2010.